Lorsque nous pensons aux premiers gouverneurs coloniaux de l’île Maurice, il est facile d’imaginer de grands festins composés de plats riches et inhabituels. En réalité, leurs repas étaient dictés par la survie, le commerce et ce que l’île pouvait fournir à l’époque. Les archives historiques et les découvertes archéologiques nous donnent une idée plus précise de ce qui était réellement consommé.

Les années hollandaises (1638-1710)
Les Hollandais ont été les premiers à établir une colonie permanente sur l’île. Le gouverneur Adriaan van der Stel et ses hommes dépendaient du bétail qu’ils avaient introduit, comme les chèvres, les porcs et les bovins. Les fouilles menées au fort Frederik Hendrik confirment que ces viandes, ainsi que le poisson et les tortues, constituaient l’essentiel de leur alimentation. La viande de gibier est également devenue importante après l’introduction du cerf rusa en provenance de Java en 1639. Les animaux se sont rapidement adaptés et ont fourni un approvisionnement régulier en viande. Il est intéressant de noter que, bien que les tortues géantes aient été largement exploitées par les marins de la région, les preuves montrent qu’elles ne faisaient pas partie de l’alimentation habituelle des Hollandais à Maurice.
La période française (1715-1810)
Sous la domination française, la production alimentaire s’est mieux structurée. Le gouverneur Bertrand-François Mahé de La Bourdonnais a encouragé l’agriculture locale afin de réduire la dépendance vis-à-vis des importations. L’une des additions les plus significatives fut le manioc, qui devint un aliment important tant pour la population que pour les travailleurs esclaves. Plus tard dans le siècle, Pierre Poivre, intendant de l’île de France, introduisit des clous de girofle et des noix de muscade dans le jardin de Pamplemousses. Cela renforça non seulement l’économie de la colonie, mais apporta également des épices précieuses dans la cuisine quotidienne, donnant aux cuisines coloniales françaises plus de variété et de saveur.
La période britannique (à partir de 1810)
Lorsque les Britanniques prirent le contrôle en 1810, l’approvisionnement alimentaire restait étroitement lié au commerce maritime. Le gouverneur Robert Townsend Farquhar présidait une colonie qui dépendait fortement des importations de riz, en particulier en provenance du Bengale, de Batavia et de Madagascar. Les sources alimentaires locales telles que le gibier, le poisson et le bétail continuaient de jouer un rôle, mais les céréales importées étaient essentielles pour nourrir la population et l’armée. Les archives britanniques soulignent souvent cette dépendance vis-à-vis des routes maritimes pour assurer un approvisionnement régulier en céréales et en provisions.
Un avant-goût de l’histoire
Les premiers gouverneurs de l’île Maurice ne se nourrissaient pas de banquets luxueux, mais de repas pratiques influencés par l’agriculture, l’écologie et le commerce mondial. Du gibier et du bétail hollandais au manioc et aux épices français, en passant par les importations de riz britannique, chaque période a laissé son empreinte sur l’histoire alimentaire de l’île. Aujourd’hui encore, les traces de ce passé sont visibles : les cerfs continuent de parcourir les forêts, les clous de girofle et les noix de muscade poussent toujours à Pamplemousses, et la cuisine mauricienne reflète le mélange d’ingrédients locaux et de saveurs venues de loin.